Résumé du livre « Le jeu et l’histoire : Assassin’s Creed vu par les historiens »
Par David Boulanger
Il est connu que
plusieurs jeux peuvent avoir recours à des experts dans divers domaines pour aider
à comprendre certains concepts ou bien améliorer l’immersion du joueur en
visant un plus grand niveau de réalisme. En 2020, Marc-André Éthier et David Lefrançois ont publié « Le jeu et l’histoire : Assassin’s Creed
vu par les historiens » (donc le dernier titre, Assassin’s Creed Mirage,
ne fait pas parti des entrevues). Alors, à quoi pouvez-vous vous attendre de ce
livre et devriez-vous le lire ? Dans ce résumé, je vous présenterai le
concept et les collaborateurs interviewés, ce que ces derniers ont souligné de
positif ainsi que les aspects négatifs.
Tout d’abord,
quel est le concept du livre ? Il s’agit en fait d’un ouvrage qui présente
les entrevues faites par les auteurs avec des historiens ayant travaillé
directement ou comme consultant sur les jeux Assassin’s Creed (entre la
trilogie Ezio et Valhalla). Parmi ceux-ci, on retrouve des historiens
directement employés par Ubisoft Montréal (Maxime Durand) et Québec (Stéphanie-Anne
Ruatta). Il y a aussi les historiens professeurs qui ont été consultants pour
un titre en particulier lié à leur champ d’expertise tel que Laurent Turcot et
Jean-Clément Martin (voir leur livre ici), Evelyne Ferron (aussi connue comme
chroniqueuse à la télévision et à la radio), Jean-Pierre Le Glaunec (Université
de Sherbrooke), François Furstenberg (anciennement à l’Université de Montréal,
maintenant à l’Université John Hopkins) et d’autres tout aussi intéressants. Bref,
on y démontre qu’Ubisoft, dans le but de créer un décor historique le plus
crédible possible, a fait usage des historiens pour s’assurer d’un certain
niveau de véracité historique.
Qu’en est-il des
points positifs que les experts soulignent de leur collaboration avec Ubisoft ?
D’abord, il y a un commun accord sur l’attention aux détails. Par exemple, pour
Assassin’s Creed Syndicate, ils ont demandé à l’historienne Judith Flanders « “Dans
un restaurant, y avait-il plus d’hommes ou de femmes ? Comment
s’assoyaient-ils ?” et “Où les hommes posaient-ils leur chapeau” »
(p. 243). Ce genre de questions revient dans à peu près toutes les entrevues,
au grand étonnement initial des historiens. Incidemment, pour plusieurs, le
fait de pouvoir s’immerger dans la vie quotidienne à l’époque du jeu est aussi
un gros point positif. En plus, cette immersion est contrôlée en temps et point
de vue par le joueur, qui peut décider d’admirer, disons, la cathédrale Notre
Dame de Paris, contrairement à un film qui passera à une autre scène. Bien qu’il y aille des erreurs, pour la
plupart ils considèrent que ce n’est pas plus « faux » que ce
qu’offre la plupart des films historiques ou les romans historiques, et ce,
même d’auteurs adulés tels que Victor Hugo. En général, ils reconnaissent le
potentiel de « recrutement » envers l’intérêt pour l’histoire, voire minimalement
mettre l’histoire dans les conversations populaires près de la sortie du jeu, même
après grâce aux divers projets d’éducation ou bien la popularité auprès de
certains streamers. Les auteurs/interviewés en profitent pour aussi bien mettre
en contexte le jeu auquel ils ont participé, ce qui est très intéressant pour
les lecteurs. Notons aussi, depuis les 4 derniers Assassin’s Creed, l’ajout du
« Discovery Tour », soit un mode d’exploration sans violence avec des
visites guidées et narrées, ce qui a plu à la majorité des interviewés.
Pour ce qui est
du négatif, il y a parfois la difficulté de bien lier le désir de profit
d’Ubisoft et d’exactitude historique des historiens. Presqu’à tout coup, les
textes des historiens sont retravaillés pour les rendre plus courts, plus
accessibles et plus attirant… ce qui toutefois mène parfois à des erreurs
puisqu’ils ne se font pas recorriger par les experts. L’une des expertes
égyptologue a même décidé de retirer son nom du générique du jeu ainsi que de
l’entrevue, se sentant trahie par les modifications erronées des concepteurs du
jeu. L’autre irritant pour les collaborateurs est lorsque leur avis est demandé
pour savoir si telle ou telle chose est historiquement viable, mais que lorsque
l’expert répond par la négative, l’équipe répond qu’il est trop tard pour le
changer puisque c’est déjà codé.
Bref, le livre
d’Éthier et Lefrançois est extrêmement intéressant. Il est intéressant pour le
joueur intéressé par l’histoire, voire par les coulisses de jeux qu’il apprécie
particulièrement. Il est intéressant pour l’enseignant, qui peut avoir
davantage d’informations à propos de tel ou tel jeu de la série pouvant toucher
le sujet d’un cours enseigné et aussi d’en savoir plus sur ce qui est bon et
mauvais dans l’utilisation de ce médium. Il est intéressant pour le pédagogue
pas nécessairement joueur, mais voulant savoir quel est le niveau
d’appréciation de ce médium par les experts eux-mêmes (du moins leurs expériences
en tant que consultants). Enfin, il est intéressant pour l’historien
professionnel et amateur, qui peut voir quelle est l’expérience des historiens
lorsque contactés par Ubisoft (tout comme d’autres compagnies de jeux vidéo ou pour
la télévision) et mieux se préparer ou baliser leur relation avec les
conglomérats médiatiques.
Notice
Bibliographique du livre
- Éthier,
Marc-André et Lefrançois, David (dir.) (2020). Le Jeu et l’histoire :
Assassin’s Creed vu par les historiens. Montréal, Del Busso Éditeur.
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