Exposition “Jeux de Guerre” au Musée de la Guerre d’Ottawa : ça vaut le détour?
Par David Boulanger
Le 9 juin
dernier (2023), le Musée Canadien de la Guerre a lancé son exposition
temporaire « Jeux de Guerre ». Il s’agit ici d’une exposition sur
l’utilisation du jeu en contexte de formation à la guerre, de l’Antiquité
jusqu’à aujourd’hui. Les créateurs de l’exposition ont décidé de l’organiser en
5 chapitres, question de créer des distinctions temporelles et technologiques
entre les périodes.
La première
partie traite de l’Antiquité jusqu’au présent, mais, en fait, c’est davantage
jusqu’avant la Grande Guerre. L’aspect « aujourd’hui » est en fait
que plusieurs de ces jeux, tel que les échecs et le Go, sont encore très
populaires dans le monde. On y voit d’ailleurs l’émergence de jeux de guerre après
les guerres napoléoniennes (fin 1815) en Prusse pour préparer les futurs
officiers à mener efficacement leurs troupes. Ce type de jeu de guerre,
similaire aux jeux de société (board games) stratégiques connus
aujourd’hui gagnera de la popularité ailleurs en Europe, spécialement après les
succès de la Prusse pendant les guerres d’unification de l’Allemagne vers 1870.
Le second
chapitre traite des guerres mondiales, soit la Grande Guerre (1914-1918) et la
Seconde Guerre mondiale (1939-1945). Ceci dit, on considère les nouveaux jeux
de guerre après la guerre franco-prussienne de 1870-1871 tels que Kriegspiel
faisant parti d’une vague de jeux qui serviront à jeter les bases de la
formation des officiers avant la Première Guerre mondiale. Les anglais
adopteront A Game of War et plusieurs autres versions
existeront pour simuler la gestion stratégique des deux conflits mondiaux et
s’adapteront aux nouvelles réalités du conflit (par exemple l’introduction des
tanks, l’utilisation plus importante des avions de guerre, etc.).
Le
troisième chapitre est consacré à la guerre froide, soit la période entre 1946
et 1991. Dans cette période, on retrouve de nouvelles considérations
stratégiques qui se retrouvent dans les jeux telle que l’apocalypse nucléaire,
mais aussi il y a l’introduction de jeux électroniques via ordinateurs
(ancêtres des jeux vidéo) et éventuellement directement pour la population en
général par les arcades et nouvelles consoles de jeux vidéo tel le Atari 2600.
La guerre
au terrorisme est au cœur du quatrième chapitre, couvrant la période 2001-2014.
On y retrace les origines des jeux de tir à la première personne (first
person shooters ou « fps ») avec le lancement de Wolfenstein
3d, mais aussi l’adaptation par les forces armées américaines avec une
version modifiée de Doom 2 nommée Marine Doom. C’est également l’émergence
de jeux traitant d’opérations contemporaines à cette décennie tels que Modern
Warfare et le jeu de recrutement de l’Armée Américaine : America’sArmy. Enfin, on y montre des jeux davantage critiques de la guerre, parmi
lesquels se retrouvent l’excellent This War of Mine (disponible sur
toutes les plateformes depuis l’époque PS4/Xbox One) démontrant la perspective
de civils en milieu de guerre pendant la guerre en Ex-Yougoslavie. Un autre
exemple est le petit jeu September 12th : A Toy World, qui démontre
que la décision d’effectuer un raid aérien « ciblé » peut avoir des
dommages collatéraux et ainsi créer d’autres « terroristes », et ainsi,
d’autres cibles (cycle sans fin).
La dernière
partie traite de l’insécurité mondiale de 2014 à aujourd’hui. On y retrouve des
jeux de tables pour former les stratèges à intervenir en situation de
catastrophe naturelle (jeu Aftershock) ainsi que le wargaming
fait par les Forces Armées Canadiennes lors de l’opération Lazer (pandémie de
COVID-19). Enfin, on mentionne également le très bon jeu Bury Me my Love
(que j’ai joué sur Switch en 2019 et recommandé à mes étudiants les jours
suivant), où l’on est mis dans la peau d’un mari qui communique avec son épouse
en exil de Syrie via textos et prend certaines décisions qui auront divers
impacts sur son expérience (je dédierai un billet sur ce jeu dans l’avenir
proche).
Bref, la visite de cette exposition en 5 chapitres dure environ 30-60 minutes selon le niveau de lecture de vignettes que vous faites et si vous testez les jeux sur place. Malgré qu’à elle seule, l’exposition est difficile à recommander à quelqu’un vivant ailleurs que dans la région de la capitale fédérale canadienne, la visite du Musée Canadien de la Guerre au complet, avec son excellente exposition permanente en plus de l’autre exposition temporaire « Le Canada, la Corée et la Guerre » vaut amplement le prix d’admission.
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